Par Annie Bourque
Alors que plusieurs secteurs de l’économie tournent au ralenti, les syndics constatent une diminution de l’ordre de 47 % du nombre de faillites au pays et une baisse de 35 % des propositions de consommateurs.
Ces données ressortent d’un récent rapport intitulé « Tendances en matière d’insolvabilité au Canada en 2020 », publié par la firme Davies Ward Philipps & Vineberg.
La situation semble inusitée surtout au moment où l’on constate une hausse des fermetures des commerces, restaurants ou entreprises. Du même coup, des milliers de travailleurs se retrouvent sans emploi.
Depuis mars dernier, la vice-présidente du syndic autorisé en insolvabilité (SAI) Pierre Roy & Associés, Guylaine Houle observe l’impact de l’aide financière octroyée par le gouvernement fédéral. Le soutien se traduit sous la forme de la PCU (Prestation canadienne d’urgence), la Prestation de relance économique pour les consommateurs (PCRE), le Compte d’urgence pour les entreprises, la Subvention salariale d’urgence et l’aide pour le loyer.
Ces subsides financiers aident autant les individus que les dirigeants d’entreprise à traverser cette crise historique. De leur côté, les institutions financières accordent une certaine latitude aux gens aux prises avec des difficultés.
« Plusieurs consommateurs et entreprises sont présentement sous le « respirateur artificiel », mais combien de temps pourra-t-on maintenir cette cadence? », se demande Mme Houle.
Certains entrevoient un printemps difficile alors qu’ils vivent encore dans la précarité. Comment feront-ils pour rembourser le montant d’impôt redevable aux versements de la PCU? Déjà, le gouvernement fédéral a laissé entendre qu’il va laisser le temps nécessaire à ceux qui sont pris dans une telle situation.
Secteurs les plus touchés
Le domaine de la culture, les arts et spectacles, les magasins de vêtements, restauration, hébergement vivent cruellement les contrecoups de la pandémie.
Mme Houle croit que la pente sera difficile à remonter pour un grand nombre d’artistes. Le gouvernement ou le secteur privé vont-ils continuer longtemps à subventionner l’industrie culturelle?
« Certains restaurateurs à l’approche de la soixantaine vont se demander : cela vaut-il vraiment la peine de rester en affaires?, » évoque-t-elle.
La Chambre de commerce du Canada, appréhendant la fermeture de 60 % des restaurants au pays, a lancé à la fin de l’été une campagne pour soutenir les restaurateurs.
Du même coup, si de telles statistiques se réalisent, c’est toute une culture gastronomique, symbole montréalais par excellence qui pourrait s’éteindre.
Espace plus petit
À Montréal, les moyennes et grandes entreprises ont commencé à déménager dans des espaces plus petits. « La valeur des immeubles commerciaux va commencer à diminuer face au phénomène du télétravail qui devient un incontournable », croit Mme Houle.
Les employeurs pourront difficilement demander à leurs employés de revenir travailler au bureau, cinq jours par semaine. « Je pense que cela sera impossible de ramener les employés à temps plein au bureau. Le positif, c’est que nous avons tous amélioré notre qualité de vie respective. »
L’avenir
L’avenir s’annonce prometteur pour les vendeurs de voitures usagées, les entreprises de toilettage ou les travailleurs autonomes qui voudront s’occuper des chiens ou chats, achetés en grand nombre durant la pandémie.
Les auteurs du rapport sur l’insolvabilité estiment aussi que les consommateurs pourraient consommer davantage de spectacles ou fréquenter les cinémas, une fois la pandémie terminée. Une façon d’encourager un secteur durement éprouvé.
Repartir à zéro
Entretemps, plusieurs consommateurs ou dirigeants d’entreprise commencent à être exaspérés des effets des confinements successifs sur leur moral.
Avec la fin de la pandémie, plusieurs voudront prendre un nouveau départ. Fatigués par les problèmes causés par l’isolement, certains voudront retrouver une paix et une sérénité d’esprit. La façon d’y parvenir est peut-être l’élimination de l’endettement comparable à une montagne vertigineuse de vêtements s’accumulant sous nos yeux. « Je pense qu’un élément déclencheur au plan émotionnel ou psychologique va emmener les gens insolvables à prendre des décisions. Certains vont peut-être se dire : je ne suis plus capable et cela a assez duré », ajoute Mme Houle.
« L’insolvabilité, cela vient pour un mal. Il faut regarder cela positivement. On libère littéralement la personne qui est aux prises dans un engrenage sans fin. Les gens peuvent ainsi recommencer à zéro, utiliser leur plein potentiel et surtout obtenir une vie meilleure », conclut-elle.